La poésie

c’est probablement le genre littéraire le plus difficile à définir.

 

La poésie, cela se ressent, cela se hume, cela se tâte, c’est un art, presque de la musique. Et pourtant, ce sont des écrits (dans le cas qui m’intéresse). La poésie laisse une trace plus profonde après moins de mots.

S’ajoute à tout cela que les mêmes personnes ne verront pas la poésie au même endroit !

 

Vous trouverez de maintes tentatives de définition. Tout commence par la description vague qui nous indique qu’il s’agit d’œuvres qui décrivent des « moments poétiques » … ce qui ne nous avance pas puisque si nous pouvons dire ce qu’est un ‘moment poétique’, nous n’avons plus besoin de définir « poésie ».

 

Bien évidemment, je ne tenterai pas ici de décrire ce qui est pour moi poétique, ce qui est « poésie » dans sa splendeur, mais ce qu’est le genre littéraire nommé « poésie », la poésie accrochée au mot, pour être plus banal.

 

Souvent on dit que dans ce genre littéraire l’auteur, qui porte alors le nom de « poète » tente d’exploiter au maximum les ressources du langage, employant au possible les mots rares, le tout pour créer un poème aussi coloré et « poétique » que possible.

 

Le poète  tente d’accomplir ce travail avec aussi peu de mots que possible. Quelques vers peuvent et doivent ébranler le lecteur et faire vibrer son âme là ou une œuvre de dix-mille pages a échoué.

 

Mais ce n’est pas parce que le poète aligne une multitude de mots rares, qu’il se sert de toutes les figures de styles imaginables, qu’il en est un poète ou que ses vers parviennent au stade de la vraie poésie ! Le talent, cela ne s’apprend pas, cela ne s’étudie pas. Les recherches au fond des dictionnaires, l’épuisement des ressources du langage ne compensent pas l’absence d’émotions. Comme il y a d’innombrables peintres sans talent véritable dont les œuvres sont finalement fades et sans vie, tout aussi nombreux sont les poètes dont les œuvres ne nous touchent pas, malgré leurs mots spectaculairement bien choisis. En même temps, un enfant peut avoir le don de poète et avec des mots d’une simplicité extrême toucher notre cœur !

 

Donc, cela ne définit toujours pas la poésie, et nous ne sommes pas plus avancés.

 

Je retiens pour l’instant que dans la poésie les mots sont d’une extrême importance, qu’ils soient rares ou non, et que c’est leur choix et leur association qui résonnent au fond de nous, qui créent un « poème ». Et ce poème ne doit pas être trop long – au risque de devenir alors un « essai », une « nouvelle » ou même un « roman ».

 

Remontons un peu en arrière – bien que je n’aime pas trop jouer à l’historienne – et cherchons l’origine du mot « poésie » : cela vient du grec et signifie « créer ». Le poète crée à partir de mots quelque chose de romantique, de mélodieux, quelque chose de touchant.

 

Comment fait-il pour “créer” ? Les poètes attacheront de l’importance à des détails différents : l’un tiendra à maintenir un certain rythme, l’autre à réduire ses mots au strict minimum, pour l’autre encore la douceur de ses phrases en feront un poème, et un autre ne choisira que des mots commençant par la lettre  « R », d’autres présenteront leurs poèmes sous une forme particulière, les lignes représentant par elles-mêmes déjà une image. Donc, pas de règle générale ici.

 

Ce n’est pas la structure qui fait le poème. Ce n’est pas de l’architecture.

 

Une seule chose réunit pourtant tous les poètes : tous tentent de créer une œuvre nouvelle et de l’imprégner d’une émotion précise et forte.

 

L’idée du poète est de « scotcher » son lecteur par l’impact de son œuvre. Comme un tableau peut nous laisser sans voix – que ce soit par sa beauté, par ses couleurs ou par son sujet – un poème peut nous changer à tout jamais.

 

Je me souviens, personnellement, de plusieurs poèmes qui m’ont profondément marqués. Et le plus surprenant est que ce n’est pas l’ensemble du poème, mais une simple ligne qui a changé ma perception du monde.

 

Ainsi, je ne peux plus me rendre sur le quai d’une gare sans songer à cette ligne de Reiner Kunze qui dit dans la version originale d’un de ses poèmes (l’adieu)  « Der Schaffner warf die Tür ins Schweigen ….. », ce que je traduirais de façon bien peu poétique et plutôt laconiquement par : « Le contrôleur jeta la porte dans le silence …. ». Bien évidemment, c’est moins poétique que l’original, mais c’est le sens de cette petite phrase qui m’a marqué : j’imagine immédiatement un couple sur le quai, l’un part, l’autre reste, ils se regardent, tentent de se dire à quel point ils s’aiment, ils ont tellement de choses à se dire, mais le train va partir, ils ne trouvent pas les mots … et du coup, ils ne disent rien, car les mots les fuient à cet instant crucial des adieux. Et c’est alors que les portes se ferment – tombant dans leur silence – le train va partir, il est trop tard pour se dire toutes ces choses. Et c’est peut-être maintenant que les phrases affluent, maintenant que c’est trop tard.

Vous voyez – cette simple phrase, qui n’aura peut-être aucun impact sur une autre personne, a visé juste, chez moi. Je devais avoir quinze ans, c’était à l’école, et je me souviens m’être disputée avec ma prof’ à ce sujet.

Et pourtant, pas de mots compliqués ou rares dans cette phrase ….. la définition habituelle de la poésie ne s’applique même pas au poème de Kunze !

 

J’en arrive donc à ma propre définition de la poésie qui, vous le voyez, est différente de celle officiellement retenue ; pour moi :

 

La poésie est un art par lequel le poète crée au moyen de mots choisis et associés avec soin une œuvre destinée à véhiculer une émotion forte et à toucher le lecteur.

 

Je considère en effet que le poète est un artiste, il crée une œuvre à partir de rien, à partir de simples mots qui pourraient tout autant servir à insulter notre voisin. La poésie est un art. Le peintre utilise les couleurs, le compositeur des notes, le poète les mots, et tous créent une œuvre qui peut nous laisser bouché bée.

 

Wow, laissez-moi encore disserter sur ce sujet, j’adore, encore quelques petites lignes, car je m’aperçois que chacun de nos cinq sens peut être la cible d’un art en particulier :

 

La musique, c’est l’art qui voyage par l’ouïe, puisqu’on dit qu’il exprime ce que nous ne pouvons donc exprimer avec des mots,

La peinture est l’art de la vision, il exprime ce que nous ne savons entendre avec les oreilles,

La sculpture peut se toucher des doigts, se caresser,

L’art culinaire se découvre par le goût, se déguste même les yeux fermés,

Et les parfumeurs tentent d’influencer notre humeur, et même nos émotions, avec leurs effluves en passant par notre nez.

 

Mais alors, la poésie ? QUEL SENS cet art peut-il bien toucher ?

 

Et bien, la poésie est l’art de l’imagination.

 

Bien évidemment, toute autre définition de la poésie sera tout aussi valable, ceci est simplement la mienne.